jeudi 5 novembre 2020

SCPI : bientôt la chute ?

Placement apprécié des français, les SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier) permettent d'investir facilement (à partir de 1 k€ en général) et de façon diversifiée dans l'immobilier de bureaux et commerces.

Ce placement rassure facilement car il n'y a en général pas de dette au sein de la SCPI et les valorisations sont très lissées (fixée annuellement par la société de gestion). Cela, contrairement aux REITs (Real Estate Investment Trust) et autres Foncières côtées dont la valeur varie chaque jour en fonction du marché. 

Alors quel est le problème ?


1) Performances décevantes

Sur le long terme, l'on pourrait s'attendre à une hausse du dividende des SCPI en phase avec la hausse des loyers sous-jacents. Or si l'on compare les dividendes versés par les SCPI et l'indice ILC (indice des loyers commerciaux) produit par l'INSEE, la différence est flagrante.

Exemple : la SCPI Immorente versait 15,36€ de dividendes en 2005 vs 15,12€ de dividendes en 2019  (en retranchant les 38cts de dividende exceptionnel versés en 2019). Dans le même temps l'ILC est passé de 92,5 début 2005 à 116,16 fin 2019 soit une hausse de +25,6%. Cette hausse ne se reflète pas dans le dividende.

Aujourd'hui Immorente propose un taux de Dividende sur valeur de marché autour de 4,3%.


Extrait du bulletin trimestriel d'immorente (T3-2020)



2) Poids des frais

En général les gestionnaires de SCPI prennent autour de 10% de frais de transaction lorsque vous achetez des parts (inclus dans le prix de la part) et 10% des loyers ensuite.

Dans l'absolu, ces montants ne sont pas exorbitants étant donné le travail nécessaire à la gestion de ces actifs physiques (recherche de locataires, négociation des baux, acquisitions, entretien du parc immobilier, suivi des contrats avec les différents prestataires et fournisseurs etc).

Le problème que je vois apparaitre depuis plusieurs années est la tendance pour certaines sociétés de gestion à déléguer cette gestion en faisant acheter à la SCPI des parts d'autres fonds immobiliers (donc gérés par des tiers !

Or les besoins d'effectifs liés à la gestion d'un actif physique détenu en direct n'est pas du tout la même que celle de la détention d'une part dans un fonds géré par un tiers : dans ce dernier cas, il n'y a qu'a recevoir les dividendes !

Je remarque cette tendance chez Sofidy (société de gestion) par exemple qui a réalisé 3 acquisition pour Immorente (SCPI) au cours du 3ème trimestre 2020 : ces 3 acquisitions correspondent à des investissements indirects. L'argument de la diversification ne tient pas pour une société comme Immorente qui a une capitalisation de 3,45 Mds d'euros.

(Note: je ne critique pas cette société qui a historiquement fait preuve de son sérieux à travers les cycles, je la prends juste comme un exemple représentatif des pratiques actuelles sur ce marché)  


2) Poids de la fiscalité

Si les SCPI sont détenus en direct, ils sont soumis aux prélèvements sociaux (17,2%) ainsi qu'à votre taux marginal d'imposition. Donc 47,2% d'imposition au total si votre tranche marginale d'imposition est de 30%. Ca devient beaucoup moins intéressant tout d'un coup !

 Il y a néanmoins différentes façons d'alléger cette fiscalité : en passant par une SCI à l'IS par exemple et chacun de ces montages dépendent de votre situation personnelle (TMI, achat des SCPI à crédit ou non, autres biens détenus en direct etc). 

Certains poussent avec du démembrement pour amortir la valeur de l'usufruit dans une société à l'IS (pas d'amortissement possible sinon) et garder la nue propriété en direct. Attention au risque de requalification fiscal pour ce dernier type de montage qui pourrait facilement être qualifié d'abusif par l'administration fiscale (pour éviter toute ambiguïté : je le déconseille).


4) Risques liés au changement de mode de vie

Le commerce physique va très mal, ce n'est pas nouveau et le phénomène se renforce avec la croissance de la vente en ligne. La demande de bureaux va être impactée par la généralisation du télétravail... Or quels sont les actifs de la majorité des SCPI ? Des bureaux et des commerces !


5) Comparaison avec les foncières côtées

Je vous invite a observer l'évolution d'Unibail Rodamco (dont la dette tourne autour de 13x l'EBITDA 2020, laissant aucune place a une valorisation de l'equity), Intu properties (plus grosse foncière UK qui valait 5Mds en 2017 et aujourd'hui en faillite), CBL (REIT de centres commerciaux aux états unis en faillite)... la liste est longue ! La valeur de toutes ces boîtes a baissé de -80% à -100% sur les 2-3 dernières années.

Bien sûr les REITs et autres Foncières côtées sont plus leveragées, mais lorsqu'on parle d'un LTV (Loan-to-Value) de 50% et que la foncière chute de -99%, c'est que le marché estime que la valeur des actifs a baissé de plus de 50%. La dette "semblait" être maîtrisée chez INTU en 2017 avec 45% de LTV (ratio de dettes sur actifs).



Extrait du rapport annuel d'INTU Properties en 2017... en faillite en 2020

Je rappelle ici que contrairement aux foncières, le prix des parts de SCPI est fixée par leurs sociétés de gestion. Elle n'ont pas intérêt à inquiéter l'épargnant.

Illustration : chute massive de la capitalisation boursière d'Unibail-Rodamco-Westfield et de CBL (désormais en faillite) sur les 2 dernières années


6) Risque de liquidité

Tant qu'il y a plus de souscripteurs de parts de SCPI que de vendeurs, tout va bien. Le capital issu de l'excédent de souscription permet à la SCPI de réaliser de nouveaux achats et tout le monde est content.

Mais que se passerait-il si les épargnants commençaient à avoir peur d'une baisse des parts ? Les demandes de souscriptions baisseraient et les demandes de retraits augmenteraient considérablement. Dans cette situation, la SCPI devrait revendre des actifs pour honorer ces demandes de retraits. Jusque là tout va bien mais si les autres SCPI sont dans le même processus de ventes (pour les mêmes raisons de demandes de retraits), qui achèteraient leurs actifs ? Les Foncières surendettées ?


Wait & See


Disclaimer: Cet article ne constitue pas un conseil d'achat ou de vente mais juste une opinion personnelle. J'ai revendu mes parts de Immorente et Ficommerce achetées en 2009, je garde encore des parts Corum Origin achetées en 2018 (donc trop récemment pour amortir les frais d'achat).

4 commentaires:

  1. Super article très intéressant. Sujet traité à contre-courant des médias mainstream (qui subissent le lobbying du secteur pour ne pas effrayer ?)

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  2. Merci Lenonardo, je n'ai pas mis longtemps pour reconnaitre la plume ;-)

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  3. Bonsoir.
    En France depuis 2018, il y a la flat taxe , donc l'impôt maxi est maintenant 30% , y compris pour les hauts TMI

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    1. Bonjour SRV, toujours un plaisir de vous lire :-)

      Ma compréhension est que cela reste des revenus fonciers à l'IR donc prélèvements sociaux + TMI (avec toujours les règles de déduction des intérêts sous le régime réel et le choix du régime du micro foncier).

      Les revenus concernés par la flat tax de 30% sont les revenus de produits financiers. Les OPCI en font partie mais pas les SCPI (à part pour les quelques centimes issus de la rémunération de leurs trésorerie ainsi que leur participation dans des OPCI mais cela reste marginal).

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